ISOLER SA MAISON EN LAINE DE MOUTON?

L’ISOLATION EN LAINE DE MOUTON

Avant d’utiliser la laine pour se protéger, il faut tenter de comprendre cette matière complexe, pour la transformer et l’utiliser de la façon la plus judicieuse possible. L’article qui suit est une ébauche de réflexion sur l’utilisation de la laine dans l’habitat.
La laine

La laine est une fibre complexe poussant exclusivement sur des ovins. Elle est composée de kératine, et sa structure complexe, composée à la base de chaînes hélicoïdales, la différencie des autres fibres animales.

La toison du mouton « antique » (pas encore sélectionné pour sa toison) est composée de trois fibres différentes :

       Le poil, présent toute l’année, protège les animaux de la pluie, du soleil, des buissons et épines ; fibre simple, un canal médullaire (moelle) recouvert d’une enveloppe de kératine.

           Le jarre, sorte de poil très rigide et creux, protège l’agneau à la naissance, grâce à sa croissance intra-utérine, puis pousse très vite. Lorsque la laine le recouvre, il se décroche de la peau et reste en suspension dans la  toison. Il est pointu aux deux bouts.

          La laine (sous-poil) : c’est une fibre très fine et de structure beaucoup plus complexe que celle du poil (cinq composants); elle pousse en automne pour protéger l’animal des rigueurs de l’hiver puis tombe au printemps.

L’ensemble de ces trois composants assure une protection presque parfaite aux animaux.

L’homme utilise la laine depuis la nuit des temps pour se protéger du froid et du chaud, de l’humidité et de la sécheresse. Il se sert de cette matière extraordinaire (elle ne nous a pas encore dévoilés tous ses secrets) après qu’elle aie protégé le mouton durant une année. La structure creuse et complexe de ses fibres lui permet d’isoler aussi bien mouillée que sèche et la rend capable de transporter beaucoup l’humidité.

Dès l’age de fer et l’invention des ciseaux permettant la tonte, l’homme a commencé une sélection lainière pour adapter celle-ci à son utilisation après la récolte. Selon les régions, les systèmes d’élevage et les climats, la toison a évoluée avec des différences considérables : cela va d’une toison primaire, quasiment sans changement par rapport à la toison d’origine, bien adaptée à des conditions d’élevage très difficiles (ex : brebis Corse, Sarde, Basco-Béarnaise,…), jusqu’à l’aboutissement de la sélection, la toison mérinos, composée exclusivement de fibres de laine de moins de 25 microns de diamètre. L’ « invention » du Mérinos daterait de 4 à 6000 ans : le jarre et les poils ont disparus, tous les follicules pileux produisent des fibres de laine.

Entre ces deux extrêmes une multitude de variantes impliquent des méthodes de transformation et des utilisations très diverses.

La laine a quelques ennemis irréductibles dont les principaux sont l’humidité permanente sans aération, ce qui la fait moisir, le soleil dont les rayons la détériore, et les mites, qui se nourrissent exclusivement de fibres animales (kératine). Elle se dissout dans les bases (chaux et soude par exemple) et doit être transformée avec le plus grand soin pour ne pas se dégrader. Une laine bien transformée et conservée dans de bonnes conditions peut garder toutes ses qualités pendant plusieurs siècles, mais sa détérioration irrémédiable par compostage peut se faire en quelques jours seulement.

Sur le dos du mouton elle est très vulnérable, exposée au soleil et aux intempéries. Ainsi, tout au long de sa pousse sur le dos de l’animal des graisses et cires l’accompagnent et la protègent, en interne et en externe. La plus connue de ces matières est le suint, produit en continu et remontant le long des fibres pour en protéger les pointes lorsque le soleil est plus ardent (printemps et été). Le suint, facilement saponifiable, joue un rôle important dans le lavage des toisons.

Dans certaines régions on pratique encore le « lavage à dos », baignage des moutons avant la tonte pratiquée aux ciseaux ou aux forces. La laine est alors considérée comme lavée, même s’il lui reste encore au moins 10% de taux de gras. Dans les autres cas, après la tonte, la laine doit obligatoirement être lavée pour la débarrasser du suint et autres matières azotées (déjections) qui la dégraderaient très vite, ainsi qu’une partie des graisses qui l’attaqueraient avec le temps : dans de bonnes conditions de stockage (au sec et aéré), la laine en suint perd une partie de ses qualités au bout d’un an, et est considérée comme très dégradée pour une utilisation en filature au bout de trois ans.

Lors du lavage, les toisons perdront de 25 à 65% de leur poids. Une fois lavée, la laine peut alors être cardée, filée, tricotée, tissée, feutrée…. Elle se garde quasiment indéfiniment à condition d’être protégée du soleil, de l’excès d’humidité permanente… et des mites.

 

Les mites 

La mite est un petit papillon vivant une quinzaine de jours passés à copuler et à pondre quelques milliers d’œufs (pour la femelle). Elle vole de façon laborieuse (s’attrape facilement à la main), marche lentement mais ne consomme ni eau ni nourriture, et se glisse dans le moindre interstice. Les œufs peuvent attendre quelques années que les conditions de leur éclosion soient réunies : être installés sur des fibres de laine, à l’abri du soleil, mais au chaud. Dans certaines régions chaudes les œufs éclosent tout au long de l’année. Ces œufs donneront naissance à des larves qui elles ne se nourrissent que de laine, de laquelle elles tireront l’eau, l’oxygène et les protéines nécessaires à leur croissance. De la larve sortira un papillon pourvu de ses réserves….

La mite possède bien sûr quelques points faibles : elle abhorre l’odeur de la lavande et du cèdre, n’apprécie pas la lumière, ses œufs sont ronds et ne possèdent aucun moyen de s’accrocher, elle est très appréciée de certaines araignées, et elle meurt ainsi que les œufs et les larves aux températures de moins 16° et plus 60°.
Isoler sa maison en laine ?

Certaines personnes ont prétendu que l’on pouvait isoler les maisons avec de la laine en suint, et qu’ainsi les mites ne l’attaquaient pas! C’est valable une année environ, les mites n’appréciant guère la laine grasse, mais ensuite le suint se transforme et dégrade les fibres. Au bout de quelques années celles-ci sont tellement abîmées qu’elles offrent un véritable festin pour les mites en devenant beaucoup plus digestes. La maison en devient parfaitement invivable, infestée de mites que suivront d’autres insectes.

Toutefois, certaines laines grossières et de haute qualité (parfaitement blanches), ayant subit un lavage à dos ou l’équivalent (fortes pluies avant la tonte par exemple) ne se dégraderont pas si on ne les lave pas. Il n’empêche qu’elles seront sensibles aux mites, surtout confinées sous toiture, où par définition il fait chaud, humide et sombre.

La laine doit donc généralement être lavée après la tonte et les produits fabriqués à base de laine doivent pouvoir être secoués pour en faire tomber les œufs de mites. De plus, la laine apprécie beaucoup les écarts de température et d’hygrométrie qui lui redonnent du gonflant tout en la débarrassant de certaines salissures. Elle se porte donc mieux à l’air libre.

 

Lorsque le prix de la laine a chuté à la fin des années 80, des entreprises ont commencé à fabriquer de l’isolation en laine, d’abord sans aucun traitement chimique, puis le plus souvent traitée au Mitin, produit de synthèse inventé en 1954 par Ciba pour traiter les produits d’ameublement en laine. Ce composé comprenant un insecticide ayant une rémanence de 10 ans, doit être mis en œuvre comme une teinture, avec une lente montée en température, méthode applicable sur des tissus, mais non sur de la laine en bourre en sortie de laverie. Ce traitement implique donc, pour des laines d’isolation, un risque très important de pollution des eaux résiduelles, donc des rivières, tout le produit ne se fixant pas sur les fibres de laine. On ne peut en tout cas pas classer des produits traités au Mitin (observez les notices des fabricants) dans les isolations écologiques, à cause du processus de fabrication.

Un autre traitement existe, à base de sel de bore, écologiquement correct, développé par le Lavage du Bourbonnais et l’Etoile du Berger. Les premiers essais datent de 8 ans et les mites ne les ont pas attaqués, ce qui augure bien de  l’efficacité du traitement, lié à la garantie décennale du bâtiment.

J’ai de grandes réticences à utiliser la laine comme isolant sous toiture par exemple, mais par contre on peut parfaitement s’en servir d’ isolant technique de hautes performances, en remplacement de la mousse de polyuréthane (dégageant de l’acide cyanhydrique en cas de combustion). Par exemple pour l’isolation de remorques frigo, de chambres froides, de citernes d’eau chaude. La mise en place de la laine dans le sandwich étanche doit exclure toute possibilité d’introduction de la moindre mite, comme on le fait depuis des siècles pour les matelas.

 

Décoration et literie

 

La laine est utilisée depuis des millénaires sous forme de tentures et tapis tissés ou feutrés, pouvant être brossés et secoués de temps en temps.

Elle devrait entrer à nouveau de façon massive dans la fabrication de toute la literie, d’où les fibres et matières synthétiques devraient être exclues, pour une question de mauvaise régulation thermique et hydrique et surtout pour le risque mortel que ces matières provoquent en cas d’incendie. En effet, certaines mousses utilisées pour les matelas dégagent des fumées toxiques lors de leur combustion, et ce que l’on nomme asphyxie est souvent un empoisonnement.

 

Les Yourtes

Yourte : habitat nomade et rond, réalisé en bois fins (treillis, perches et cercle central), couvert de fibres animales feutrées, utilisée notamment en Mongolie et au Kirghizstan.

C’est une maison confortable, résistante aux climats les plus rudes, facilement démontable et transportable. Le feutre des yourtes est réalisé à partir de laine, mais également de toisons de yak ou de chameau. Traditionnellement, la matière est feutrée directement après la tonte, sans lavage préalable. C’est un défaut de la yourte traditionnelle, on a l’impression de dormir sur un chantier de tonte, et quand c’est du yak ou du chameau, l’odeur nous est franchement répulsive, par manque d’habitude sans doute.

Est-ce l’odeur qui empêche les mites de manger le feutre des  yourtes ? Non, mais une yourte stockée dans un hangar à la belle saison les comblera de plaisir et de nourriture. Plus simplement les larves n’aiment pas la lumière et encore moins le soleil. Le jour où vous verrez une larve avec des lunettes de soleil, la situation sera différente, mais pour l’instant les mites ne pondent que dans les replis, les doubles couches de feutre, les recoins abrités (y’en a peu, la yourte est ronde). Mais si le nomade Mongol ou Kirghize est rude au point de supporter l’odeur du yak dans sa chambre à coucher, il n’en est pas moins rusé, et démonte sa yourte fréquemment, donc la secoue et en élimine les œufs de mites biens planqués.

La laine est donc parfaitement adaptée à un habitat nomade.

Et la pluie ? « Les yourtes ne sont pas adaptées à un climat humide, là où il y a des yourtes il ne pleut pas», « c’est le gras qui rend le feutre imperméable », « les yourtes sont couvertes d’une toile de coton traité », etc.….

Si vous laissez une yourte mongole inoccupée quelques semaines, sous un climat humide, et que celle-ci est couverte d’une bâche bien imperméable couvrant un feutre bien gras, ce ne sera plus l’odeur du yak qui dominera mais celle du moisi. C’est comme une balle de laine laissée sur le fumier après la tonte. Je vous ai déjà dit que la laine doit respirer…..

Les yourtes proviennent de régions où il pleut et neige. C’est l’habitat de prairie par excellence, ne laissant aucune trace au sol.

Les yourtes existent depuis au moins 4000 ans, la toile de coton traitée et imperméable depuis moins d’un siècle. De plus, le coton est devenu une fibre bon marché depuis peu, avec les ravages écologiques et humains que l’on sait.

L’étanchéité du feutre ne provient pas de la présence de gras ( le mérinos, très gras de la fibre se mouille facilement et sèche difficilement), mais de la nature des différentes fibres qui le compose : des fibres fines s’amalgamant au cœur et donnant tenue et résistance, des fibres longues et du poil faisant glisser l’eau en surface. Un bon feutre à yourtes ne se mouille pas en profondeur et sèche aussi vite qu’une brebis Corse ou Sarde. Les feutres mongols, très gras puisque fabriqués à froid avec de la laine brute, sans rinçage, nécessitent un chauffage permanent en cas de pluie, pour éviter le pourrissement. Ils ne sont absolument pas adaptés à notre style de vie, congés payés et week-end prolongés et au climat d’humidité quasi permanente de certaines de nos belles régions. De plus, actuellement, beaucoup ne sont pas imperméables, puisque fabriqués à base de laines locales mérinisées (ah, la sélection…), de laine achetée sur le marché chinois, de poil de yak préalablement éjarré (prélèvement de la seule fibre fine) par les mêmes chinois, de poil de chevaux, de poil de chameau lui aussi éjarré. Les Mongols les plus riches aiment à couvrir leur yourte d’un tissu léger et blanc, symbole de pureté, pour éviter au feutre de se ternir et de se dégrader au soleil. Petit à petit, ce qui était une décoration et une protection solaire est devenue une protection contre toutes les intempéries.

 

Si vous avez bien lu ce qui précède, vous aurez compris que la nature et le mélange des fibres est primordial : du poil sans son sous poil, de la vulgaire laine blanche, un feutrage trop léger, et la yourte s’imbibe à la première pluie (déjà qu’elle est ronde à sec), puis vous arrose. Il ne vous reste plus qu’à couvrir le tout d’une bonne bâche qui va se pourrir en 5 ans au plus (le feutre dure une dizaine d’année en extérieur puis s’utilise en intérieur) et empêcher votre sueur et celle du feutre de s’échapper….
Que faire ?

Si vous tenez absolument à utiliser de la laine d’isolation, achetez là à Stéphane Boileau, c’est le plus sérieux du secteur, ou du moins veillez à ce qu’elle ai été lavée au Lavage de Bourbonnais (Allier), c’est une assurance pour le traitement « anti-mites ». Je ne garantit personnellement rien, sauf pour des isolations techniques très précises. Pour la maison je préfère le chanvre et la chaux qui se marient admirablement bien, la terre, la cellulose…

Si vous voulez une yourte, ne l’achetez pas aux Mongols, en passant par la Chine, elle ne sera pas adaptée,  mais lisez ce qui suit:

 

J‘ai mis au point un feutre de laine, élaboré à partir de certaines laines corses (un mouton antique). En passant un grand merci aux équipes de tondeurs « Corses » pour leur accueil, en particulier à Bernard Vieu  qui m’a poussé, en 2000 déjà, à venir « faire quelque chose » avec ces laines habituellement brûlées, aux bergers Corses, aux filles de Lana Corsa sans qui rien n’aurait commencé. 

 La laine est lavée, cardée, feutrée au savon puis rincée à fond. Le feutre ainsi ne craint pas l’humidité, et assure une parfaite étanchéité à la yourte, si la structure est réalisée dans les règles de l’art.

Pour la structure je me suis inspiré des yourtes « historiques », mais en utilisant une matière première locale abondante et peu onéreuse, facile à travailler et résistante : la perche de châtaignier, entière ou refendue pour les treillis.

Le tout est réalisé à l’aide de machines et de méthodes extrêmement simples. JE mets à disposition mes compétences et mon matériel, moyennant sourires et finances, pour vous permettre de fabriquer vous-même votre yourte. C’est à la portée de tous, les essais ont étés réalisés avec des bergers, des intellectuels et même des travailleurs manuels, et ça a marché. Il faut compter de 15 jours à 3 semaines pour la maison de ses rêves, mais je vends aussi les yourtes toutes faites.
Nicolas Poupinel

 Tondeur de moutons, ancien laveur/filateur/tisseur/tricoteur, concepteur et fabriquant de yourtes.

Nicolas POUPINEL

Kerjagu

56390 COLPO

02 97 66 33 94

06 77 89 64 04

nicolaspoupinel@laposte.net

Laisser un commentaire